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HEUREUX LES NULS !
17 avril 2020

Au revoir, Michel !

Il y a quelques semaines, le pasteur Michel Leplay est décédé à l’âge de 93 ans.

L’hebdomadaire Réforme lui a rendu un bel hommage, d’autant qu’il a été directeur de ce journal durant quelques années.

Pour ma part, j’ai rencontré Michel Leplay pour la première fois en 1975. Je me souviens parfaitement de cette rencontre puisque, ce jour-là, une porte s’est fermée pour moi. Peut-être même m’a-t-elle été claquée au nez.

Cet épisode de ma vie mérite d’être raconté ici.

 

Unknown-1

J’étais alors étudiant à l’Institut Biblique de Nogent (IBN). Venant de l’Église réformée de France (ERF), je m’étais pourtant retrouvé dans un fief évangélique de formation biblique, encouragé par un ami qui y était entré et que m’avait invité à en faire autant.

Durant la dernière année de formation au ministère pastoral, je ne savais toujours pas ce que j’allais faire à la sortie de l’IBN. C’est alors que j’ai décidé de reprendre contact avec les instances de l’ERF. Je me suis rendu au 47 rue de Clichy, à Paris, pour rencontrer le président de la Commission des ministères de l’ERF. 

Ce président s’appelait Michel Leplay.

Nous étions dans un bureau rustique. Devant moi, un homme grisonnant de près de 50 ans, fumeur de pipe. En ce temps-là, si tous les pasteurs n’étaient pas barthien, ils avaient pourtant adopté sa pipe.

 

images

Michel a écouté mon cursus, le récit de ma vocation et celui de ma formation à l’IBN. Avec un certain mépris, il m’a signalé ne pas connaître cet organisme. Il m’a signalé qu’il n’avait jamais entendu parler de nos professeurs. Et après que j'ai énoncé le genre de cours que nous avions, il s’est étonné : « Mais c’est terriblement biblique ! Et vous avez des cours de philosophie ? de théologie contemporaine ?… »

Puis il m'a expliqué. Si je voulais devenir pasteur dans l'Église réformée, il me fallait passer par les facultés idoines : à Paris, à Strasbourg ou à Montpellier. Les trois ans à Nogent ne pouvaient pas être pris en compte ; pas d’équivalence possible !

J’étais en plein désarroi. 

Mais Michel Leplay a voulu me consoler : « Tu sais… "

Ah oui, j’ai oublié de dire que le tutoiement a été immédiat, de sa part.

« Tu sais, dans l’ERF, il n’y a pas que le ministère pastoral. Il y a des ministères spécialisés à la Cimade, au Diaconat protestant, à l’Entraide… »

L’étudiant timide s’est alors transformé en personnage cynique. Avec une audace, voire un culot qui m’étonnera ensuite toute ma vie, je lui ai répondu : « Je ne me contente pas des miettes qui tombent de la table. »

Cette remarque cinglante - dont je ne suis pas fier aujourd’hui - lui a fait oublier sa pipe. 

Il n’avait rien d’autre à me proposer que la porte. Il s’est levé et m’a dit : « Alors va, vois et peut-être…revient ! »

Je ne suis jamais revenu…

Unknown

 

Mais l’histoire ne s’est pas finie là…

En 1991, Michel Leplay est devenu Directeur de l’hebdomadaire Réforme. De mon côté, j'étais rédacteur en chef de l’autre hebdomadaire protestant Christianisme au XXème siècle depuis 1988. Les deux journaux sont alors concurrents et cette concurrence était réelle en ce sens que nous n’avions aucun contact entre les rédactions. 

À l’occasion de la nomination de Michel Leplay, je décide pourtant de changer cette ambiance en proposant au nouveau directeur de Réforme un déjeuner... pour faire connaissance !

Nous nous sommes donc retrouvés dans un restaurant de l’Avenue de Maine, à Paris, à quelques numéros de la rédaction de Réforme.

Déjeuner cordial, professionnel, détendu. Nous sommes tous les deux pleins de bonnes volontés. Au moment du désert, je décide enfin de demander à mon hôte : « Tu ne te souviens vraiment pas de moi ? - Euh, non ! Je devrais ? - En 75, quand tu étais président de la Commission des ministères !… » 

Je lui raconte alors ce fameux entretien. Il n’en avait aucun souvenir. 

Et, le regard malicieux, l’oeil pétillant, le sourire diplomatique, il conclut : « Tu vois, j’avais raison ! Tu es très bien là où tu es et tu fais très bien ton boulot ! Allez, finalement, c’est moi qui t’invite ! »

 

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Dès après cet épisode, nous nous sommes régulièrement croisés. Toujours avec un certain plaisir ; un plaisir certain.

Une fois ou l’autre, nous étions même ensemble dans des salons ; lui dédicaçant son livre, moi le mieux. Je crois que la dernière fois que nous nous sommes vus, c’était lors de l'enterrement d’un collègue. Il m’avait lancé « Ta Bible pour les Nuls, c’est génial ! Qui d’autre pouvait faire un truc pareil ! »

Au revoir, Michel !

 

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