UNE PAROLE À PROPOS
En ces temps troublés, une parole dite à propos fait du bien, comme l’indique le Proverbe biblique.
En pensant à cette parole qui peut réconforter, encourager, soutenir, me revient à l’esprit un monologue exceptionnel de Sacha Guitry dans le film « Deburau » de 1951 (je n'étais pas né !).
Dans une scène mémorable, l’acteur - dans son rôle de vieux mime - enseigne son fils.
Le célèbre mime Deburau vient de donner sa dernière représentation. Pour la prochaine, c'est son fils Charles qui le remplacera. Deburau lui donne les derniers conseils...
Et avec des mots magnifiques, il déclare enfin une vérité émouvante, troublante et profonde : « On se souvient toujours si mal de ceux qui vous ont fait du bien ! »
Vous trouverez ci dessous une partie de cette magnifique tirade, et un lien qui permet de voir la scène et d’entendre la voix inimitable de Sacha Guitry.
https://www.youtube.com/watch?v=LgMKXjyQUmw
(...) Adore ton métier, c'est le plus beau du monde !
Le plaisir qui te donne est déjà précieux,
Mais sa nécessité réelle est plus profonde :
Il apporte l'oubli des chagrins et des maux.
Et ça, vois-tu, c'est encore mieux -
C'est mieux que tout, c'est magnifique et tu verras,
Tu verras ce que c'est qu'une salle qui rit,
Tu l'entendras.
Ça, c'est unique, mon chéri.
Oh ! Le bruit que ça fait, tu verras, c'est très beau.
Imagine un très grand silence :
On vient de lever le rideau.
Un silence absolu, complet...
On entendrait voler un imprésario !
Soudain, tu viens de faire une chose qui plaît,
Un geste inattendu, comique... et ça commence
Tout à coup !
Car ça commence d'un seul coup.
Et voilà
Le silence rompu qui vole en mille éclats !
Le public s'abandonne à l'immense rafale
Qui gronde et le secoue -
Et le rire au galop qui traverse la salle
Emporte tout,
Les chagrins, les soucis
Et les peines.
Et comprends bien ceci,
Comprends que c'est pour ça qu'ils viennent.
À ceux qui font sourire on ne dit pas merci -
Je sais, oui, ça ne fait rien,
Sois ignoré.
Va donc laisser la gloire à ceux qui font pleurer.
Je sais bien qu'on dit d'eux qu'ils sont " les grands artistes " -
Tant pis, ne soit pas honoré.
On n'honore jamais que les gens qui sont tristes.
Sois un paillasse, un pitre, un pantin - que t'importe !
Fais rire le public, dissipe son ennui,
Et, s'il te méprise et t'oublie
Sitôt qu'il a passé la porte,
Va, laisse-le, ça ne fait rien,
On se souvient
Toujours si mal de ceux qui vous ont fait du bien !
Mais, peut-être qu'un jour alors tu connaîtras
Ce bonheur ignoré de la gloire éphémère,
Ce bonheur qu'on n'achète pas -
Oui, peut-être qu'un jour tu seras populaire !
Et ça, vois-tu, c'est presque aussi bon que l'amour.
(...)